Monsieur Giorgetti, dans votre dernière contribution pour l’Écho des entreprises en juillet 2021, vous avez consacré une Carte Blanche au Pacte logement 2.0. Certes, avec un certain nombre de réserves, mais aussi avec un certain optimisme quant à la possibilité de réduire par cette initiative les tensions sur le marché immobilier. Quel est votre constat deux ans plus tard ?
Absolument, et je pense que si l’esprit de la loi était respecté par toutes les parties, ce serait toujours un bon instrument pour augmenter le nombre total de logements dans chaque projet. Malheureusement, bon nombre de communes ne peuvent pas augmenter les coefficients d’utilisation du sol en contrepartie de la cession des 10, 15 ou 20% de terrains pour la construction des logements abordables tel que la loi le prévoit. Ainsi des discussions interminables s’ensuivent avec tous les acteurs concernés et les projets sont retardés d’autant…ce qui, évidemment, n’augmente pas le nombre d’unités de logement. Le constat est dès lors plutôt négatif quant à l’application pratique de ce nouvel instrument, même si j’approuve toujours les idées sous-jacentes à cette initiative.
Dans un communiqué publié début août, le Groupement des entrepreneurs a tiré la sonnette d’alarme, notamment face au nombre record de faillites qui touchent le secteur de la construction, en réclamant l’élaboration d’un plan de maintien de l’emploi, voire un plan social sectoriel. Est-ce qu’après le congé collectif la situation a évolué ?
Je pense que pour le moment il faut plutôt parler d’un plan de maintien dans l’emploi « sectoriel » permettant aux entreprises qui sont actives exclusivement dans la construction immobilière d’amortir le choc de l’arrêt brutal de l’activité. Cette piste pourra utilement être évoquée entre les partenaires sociaux et le gouvernement.
Il ne m’appartient pas de faire des prédictions sur les futurs plans sociaux négociés dans certaines entreprises.
Fin juin, le gouvernement a présenté un paquet de 13 mesures chiffrées à 150 millions d’euros pour soutenir le secteur de la construction et favoriser l’accès des ménages au logement. Comment jugez-vous l’étendue et l’efficacité de ces mesures ?
Je salue bien entendu la bonne volonté du gouvernement ! Cependant l’efficacité de ces mesures ne peut guère être jugée alors que très peu, voire aucune demande n’existe actuellement sur le marché.
Comme nous le savons tous, ce sont les banques centrales qui font la pluie et le beau temps sur le marché actuellement.
Si l’on fait abstraction de ce paquet, parmi les mesures à prendre en faveur de la construction et du logement, lesquelles verrez-vous à court terme, à moyen terme et à long terme ? Où peut-on agir directement ?
Tous les partis politiques reconnaissent que le logement est un secteur systémique de l’écosystème luxembourgeois, car nous avons besoin d’une croissance continue de la population active pour pouvoir financer nos systèmes de sécurité sociale et de pensions.
En partant de ce constat, je ne comprends pas que le gouvernement ne trouve rien de mieux que de stigmatiser le secteur de la construction en le rendant responsable de la crise actuelle ! Les prix sont toujours dictés par l’offre et la demande et non pas par un coup de baguette magique d’un ou de plusieurs développeurs.
Sachant que l’État lui-même dispose d’un potentiel constructible de plusieurs centaines de milliers de m2 de logements qui sont bien loin d’être mis sur le marché sous prétexte que ce sont des projets difficiles, permettez-moi quand-même de remarquer qu’on ne peut pas accuser les uns de vouloir créer des logements et de ne rien faire soi-même.
Sachant également que les recettes budgétaires générées par la TVA et les droits d’enregistrement de près d’un milliard d’euros manqueront au budget de l’année en cours, je me pose la question si la main publique n’aurait pas dû utiliser cet argent par le passé pour lancer des concours de « design and build » sur ses propres terrains ? Cela aurait permis à beaucoup d’entreprises d’occuper sa main d’œuvre sur le moyen terme et il y aurait moins de tensions sur les prix.
L’État aurait pu agir directement alors qu’il dispose de la denrée la plus rare : le foncier !
Concrètement, et sans vouloir faire des projections sur le moyen et le long terme, je pense sincèrement que l’État devra impérativement revoir ses procédures à tous les niveaux et surtout apprendre à travailler de façon intégrée dans le domaine de l’immobilier. Cela veut dire qu’il n’est pas possible que l’administration X donne son aval à un projet et que l’administration Y vienne ex post le torpiller.
Face à la chute des ventes d’appartements neufs de 72% au 1er trimestre selon le Statec et à une augmentation continue du coût du crédit immobilier, le secteur des marchés publics semble encore se porter relativement bien. Est-ce une solution pour les entreprises de construction de se reporter sur ces projets publics ?
Est-ce aussi facile ? Et quelles en seraient les conséquences ?
Il est clair que de plus en plus d’entreprises se tourneront vers les appels d’offres publics pour autant qu’il y en aura encore autant dans les années à venir… Ceci est surtout bénéfique pour les pouvoirs adjudicateurs qui bénéficieront de prix au rabais alors que les entreprises cherchent surtout à occuper leur main-d’œuvre. Il est tout aussi clair que toutes les entreprises ne peuvent pas participer à des marchés publics de génie civil p.ex. alors qu’elles n’ont ni le matériel ni la main-d’œuvre qualifiée pour le faire.